Affaire Bukanga Lonzo : Sam Bokolombe livre une analyse juridique pure de la levée d’immunité parlementaire à la suite de la tribune de Léon Engulu III (Tribune)

Le professeur Sam Bokolombe

Le professeur Sam Bokolombe réagit à la tribune du philosophe Léon Engulu III qui a rendu hommage au Premier président de la Cour Constitutionnelle Dieudonné Kamuleta dans l’affaire Bukanga Lonzo pour laquelle Matata Ponyo comparait… Spécialiste de droit pénal, Sam Bokolombe enseigne le droit pénal général, le droit international pénal, le droit pénal international, le droit pénal économique et le droit pénal des affaires aux facultés de droit de l’Université de Kinshasa et de l’Université protestante au Congo. Voici ci-dessous la fulgurante réaction de cet érudit…

Il y a à boire et à manger dans cette lecture qui semble plus agronomique que juridique. En fait, le casus est plus complexe qu’il n’y paraît.

Une levée d’immunités est-elle acquise en permanence pour toutes les affaires et nonobstant le changement de statuts du suspect ? Aliis verbis, la levée d’immunités accordée par le Sénat pour une cause vaut-elle pour une autre cause alors que le même suspect est élu député national ?

Qui sollicite la levée d’immunités parlementaires, l’organe législatif ou la justice ou alors le suspect lui-même ?

Une Chambre législative peut-elle demander à la Cour de régulariser une procédure alors que l’affaire est instruite en instance juridictionnelle sans énerver le principe d’indépendance judiciaire ?

L’immunité n’est pas à confondre à l’impunité. Et techniquement, l’immunité parlementaire n’est pas juridictionnelle, mais d’ordre procédural. Elle n’est pas d’ordre public, car le juge peut ne pas la soulever d’office et le suspect peut y renoncer.

Couvert d’immunité diplomatique (de juridiction) en qualité d’ambassadeur, Ramazani Baya a dû y renoncer pour être jugé en France dans une affaire d’homicide involontaire (accident de circulation).

En droit, l’affaire Bukanga Lonzo soulève une double problématique principale. La première, c’est celle de la compétence de la Cour constitutionnelle pour juger un ancien PM suspecté d’avoir commis des faits infractionnels non encore prescrits. La seconde, c’est celle non moins importante d’un élu dont les immunités ont été levées dans le cadre d’une Chambre parlementaire et qui prétend les avoir recouvrées dans une autre Chambre.

Notons que, par présomption, « Jura novit curia« : « La Cour connaît le droit. » Mais, c’est une présomption juris tantum, donc simple, refragable, renversable. La difficulté est qu’in specie, il s’agit de la Cour constitutionnelle dont les arrêts sont irrévocables et opposables à tous.

Lorsqu’on présume qu’elle connaît le droit, formellement qui peut la contredire ? La présomption de sa « connaissance du droit » ne devient-elle pas en fait « juris de jure« , donc irréfragable ? En d’autres termes « Sed quis custodiet ipsos custodes?« : « Qui gardera les gardiens eux-mêmes? » Un ami m’a répondu la Constitution. Et qui apprécie la conformité à la Constitution et en assure l’interprétation? N’est-ce pas la même Cour constitutionnelle?

L’une des raisons d’être de la Cour constitutionnelle, c’est notamment de lutter contre la propension corporatiste des élus au détriment des intérêts du peuple. Le virulent tiraillement institutionnel actuel avec l’AN dans une affaire de présomption de détournement de deniers publics, une grave atteinte à l’ordre public, est un cas typique.

À l’aune de ce casus, il en est qui légitiment l’existence d’une institution juridictionnelle comme la CC. D’autres vont même jusqu’à trouver des motifs de justification de ses écarts ou dévoiements.

Comme qui dirait que face aux élus qui abusent de leurs mandats et se liguent contre les intérêts du peuple, il faut une Cour constitutionnelle qui leur réponde même au prix de certains excès. D’expérience, on en sait quelque chose. On y réfléchit.

Professeur Sam Bokolombe, spécialiste ende droit pénal général, droit international pénal, droit pénal international, député national honoraire et ancien directeur général de la DGI

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