La RDC entre l’EAC et la SADC

Ce n’est pas une première ni une nouveauté que des blocs régionaux ou même des organisations internationales se livrent à une lutte d’influence, se fassent ombrage ou se positionnent pour être le plus « relevant », comme on dit en anglais, par rapport à une situation donnée.

En ce qui concerne la RDC, la SADC a toujours considéré ce pays comme un très grand atout stratégique à garder dans son giron au moins pour deux raisons cruciales : 1) les ressources énergétiques colossales de la RDC (notamment le barrage d’Inga) sont à même d’aider les pays de la SADC à solutionner le très grave déficit énergétique que ces derniers connaissent; 2) les immenses réserves en eau douce de la RDC traversée de bout en bout par des vastes cours d’eau et rivières (dès 1997, l’ancien Président namibien Sam Nujoma caressait le projet de capter une partie des eaux douces que le fleuve Congo déverse dans l’Atlantique afin de les faire venir en Namibie) sont vues comme une potentielle bouée de sauvetage pour les pays arides de la SADC où la problématique de l’eau se pose avec acuité.

Malgré la gifle que Joseph Kabila avait infligée à la SADC en 2010 en mettant unilatéralement fin au projet WESTCOR, qui visait à développer Inga 3 grâce à un financement mobilisé par 5 pays de la SADC, au profit d’un consortium canadien (le projet avait finalement fait flop…), la RDC n’a jamais perdu son intérêt ultra-stratégique aux yeux de la SADC.

Du coté de l’EAC, c’est une toute autre affaire et c’est beaucoup plus complexe. Au-delà de la convoitise qu’attirent ses minerais du sol et du sous-sol, la RDC est principalement courtisée pour son vaste marché, qui offre un débouché rêvé pour les économies des pays d’Afrique de l’Est qui sont pénalisées soit par leur petite taille relative, soit par la surproduction que connaissent des « pays-greniers » comme l’Ouganda et le Kenya.

La RDC est le partenaire de rêve que nul pays ne peut se permettre d’ignorer, mis à part la proximité géographique et les affinités linguistiques, ethniques et culturelles entre les peuples. Vu ce bref tableau, il est normal que les deux blocs régionaux de l’EAC et de la SADC entrent en « douce compétition » pour se montrer « relevant » aux yeux des décideurs congolais. C’est d’ailleurs pour cette raison que les dirigeants de l’EAC s’étaient empressés, alors qu’ils n’avaient visiblement pas cerné tous les contours du dossier, de se montrer « utiles » dans la résolution du conflit né de la soudaine résurgence du M23, du fait ironiquement d’un des leurs pairs (Kagame), au moment même où la RDC finalisait le processus de son adhésion dans l’EAC. Il aurait été une insulte que cette dernière accueille un nouveau membre – pays objet de tant des convoitises et dont l’adhésion était longtemps vivement souhaitée – tout en le laissant sombrer dans un chaos provoqué par un autre pays membre du même bloc.

L’EAC se devait d’agir, de faire quelque chose, ou du moins de donner l’impression de faire quelque chose.Aussi fut décidé, peut-être dans la précipitation, sans que tous les détails de la « génération de force » n’aient été convenablement ficelés, le déploiement d’une Force régionale afin de s’interposer entre les FARDC et les M23/RDF, dans l’espoir (naïf) que cela faciliterait d’une part une solution politique négociée entre le Gouvernement congolais et le M23, et d’autre part permettrait une désescalade diplomatique entre Kinshasa et Kigali via le processus de Luanda, alors que: 1) il n’y avait aucune vraie solution politique à négocier, car le M23 n’a jamais porté une seule revendication politique valide, objectivement défendable, encore moins légitime et sincère (on peut le démontrer très facilement par une approche historique dans l’examen des causes lointaines du conflit) ; 2) le Rwanda n’était pas un acteur innocent essuyant les foudres verbales de Kinshasa par un simple accès de rwandophobie qu’il prétendait être, mais au contraire l’acteur régional qui allumait délibérément le feu par peur de se voir isolé du fait de nouvelles dynamiques dans la région.

Empêtrée dans des questions de génération de force, y compris des difficultés de financement, l’EACRF s’est vite trouvée dépassée par les événements et victime de la même impasse doctrinale que la MONUSCO, quoique pour des raisons très différentes. (La MONUSCO s’est retrouvée face à un chaos sécuritaire sans existence d’un conflit réel, tandis que l’EACRF est face à un conflit réel sans existence des motivations légitimes, donc qui ne peut pas connaitre une issue politique négociée).

Était-ce une erreur pour la RDC d’adhérer à l’EAC ou d’autoriser le déploiement de l’EACRF? Pas du tout; car le contraire eut été interprété comme du radicalisme de mauvais aloi qui n’aurait pas aidé la cause de la RDC face au Rwanda. La RDC se devait de le faire malgré les limites et écueils sus rappelés, quitte à les corriger ou à les ‘compenser’ grâce au recalibrage stratégique avec la SADC qui attendait l’EAC au tournant. Surtout que cette dernière a toujours été très attentive à ces développements et voyait d’un mauvais œil ce qui commençait à s’apparenter à une partie de poker menteur que jouaient certains pays de l’EAC.

J’ai longtemps eu à déplorer l’émasculation de la FIB décidée par le régime de Kabila en 2015. Il était grand temps que cela cesse grâce à un sursaut du PR05, qui désormais a une carte importante entre ses mains qu’il se doit de jouer très habilement. Souhaitons-lui bonne chance…dans l’intérêt du Congo !

Lepapa, correspondant anonyme

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