Félix Tshisekedi et ses « Tonneaux des Danaïdes »

les eaux usées sorties des caniveaux au croisement des avenues Luambo Makiadi et Colonel Ebeya à Kinshasa
Le Président Félix Tshisekedi lançant une campagne d’assainissement « Kin Bopeto » à Kinshasa

Dans la mythologique grecque, il y a avait cinquante filles qu’on appelait les Danaïdes. Elles étaient condamnées par les dieux à remplir un tonneau d’eau troué. Ces filles de Danaos, roi d’Égypte, exécutaient ainsi une punition perpétuelle suite au meurtre de leurs maris, les fils d’Egyptos. Ce châtiment ininterrompu est resté célèbre et a donné naissance à l’expression « Tonneau des Danaïdes » pour désigner une « tâche absurde, sans fin ou impossible » ou encore un travail qui est « voué à l’échec ».

A Kinshasa, les travaux de réfection des routes sont des véritables tonneaux des Danaïdes. Ce qui est plus cynique, c’est que le pouvoir public semble affectionner ce châtiment perpétuel. L’actuel régime autant que le précédent n’a montré aucune direction en termes de politique d’infrastructures encore moins de leur entretien. Chaque route réhabilitée se délabre 6 moins après sans que cela n’émeuve personne dans le haut lieu. Par contre, ministres et autres décideurs s’empressent à répéter la même bêtise de réfection des routes sans tirer des leçons sur le pourquoi et le comment de ce délabrement rapide.

Réhabilitée en 2004, 2006, 2013, 2017 et 2023, l’avenue Luambo Makiadi est encore dégradée. La raison fondamentale qui fait de ces routes des véritables « courtes joies », c’est l’inexistence des voies d’assainissement. L’avenue Luambo Makiadi qui a été réhabilitée au niveau de son croisement avec Colonel Ebeya retombe dans les mêmes travers suite à la stagnation des eaux qui manquent des voies pour leur évacuation. La voie souterraine laissée par les Belges n’est plus entretenue convenablement par l’Office des voiries et drainage (OVD). Conséquence : les eaux usées sorties des caniveaux ont décapé le bitume, faisant retourner ce coin à la case départ. A l’heure actuelle, entre la partie Colonel Ebeya et le rond-point Kin Mazière, des commerçants dans les magasins vendent au-dessus des eaux parfois venues des toilettes, sans que l’Etat congolais ne sourcille.

les eaux usées sorties des caniveaux au croisement des avenues Luambo Makiadi et Colonel Ebeya à Kinshasa.

La voirie de la capitale totalise un linéaire de 3.364 km, soit plus de 40 % de l’ensemble de 7.433 km des voiries urbaines de tout le pays. Mais il y a seulement près de 680 km des routes de la capitale qui sont asphaltés. Des bitumes qui tombent rapidement en lambeaux à l’image de l’avenue de Libération (ex-24 Novembre) surtout devant la prison centrale de Makala. Tant qu’il n’y aura pas une politique sérieuse d’entretien routier et tant que le service de salubrité restera inexistant, Kinshasa n’aura toujours pas de route. Le gouvernement continuera à remplir son tonneau des Danaïdes sans que cela ne puisse améliorer le trafic ou encore moins développer le réseau routier, car condamné à un éternel recommencement.

Pendant ce temps, la Tanzanie voisine avance et développe un réseau routier de très bonne qualité grâce à la politique de salubrité et à la mentalité positive de son peuple. Sans évoquer son réseau ferroviaire exceptionnel dont le train a été lancé récemment, reliant la ville de Dodoma à Dar es Salam.

Pendant ce temps, le Rwanda voisin a exploité sa rive du Lac Kivu par une magnifique rocade, alors que de l’autre côté de la rive, à Goma, c’est des maisons de politiciens et autres privilégiés de la République qui longent le lac. Ce qui démontre bien la différence des visions politiques et de leadership entre les deux pays.

A Kinshasa, le même constat s’observe. Réputé site non ædificandi depuis l’époque coloniale, la baie de Ngaliema est aujourd’hui inondée des maisons privées. En 2021, Pius Muabilu Mbayu Mukala, alors ministre de l’Urbanisme et Habitat, avait tenté de tempêter : « Toutes les constructions seront rasées [dans la baie de Ngaliema] ». Mais ce n’était qu’une gesticulation ! Pire, la spoliation s’est encore aggravée, devenant de plus en plus sauvage de bout en bout de la rive gauche du majestueux fleuve Congo, dans cette zone pourtant non constructible.

S’il faut terminer par évoquer encore la mythologie, le comportement des gouvernants congolais ressemble bien au mythe de Sisyphe relayé par Albert Camus dans un essai en 1942. Un véritable « cycle de l’absurde ». Ils posent le même acte tout en espérant obtenir des résultats différents. Misère !

Dido Nsapu, correspondance particulière

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