« Rwanda classified » : laisser la bête mourir de son propre venin

La guerre de l’Est de la République Démocratique du Congo aborde depuis peu une dynamique inattendue. Des analystes sérieux avaient certes prédit l’évolution, mais nombreux étaient des observateurs, y compris congolais, qui jubilaient pour des raisons qui leur sont propres, de voir ce conflit s’enliser et le pays baisser sa culotte devant les spécialistes des massacres et du pillage réunis dans une étrange coalition.

Les Forces armées de la RDC (FARDC) montent chaque jour en puissance, c’est indiscutable. La coalition de l’armée rwandaise et du Mouvement du 23 mars (RDF-M23) perd de plus en plus du terrain et des hommes, personne n’en doute. Le Rwanda panique et s’interroge de plus en plus sur la portée du théorème congolais selon lequel la guerre rentrera d’où elle est venue, chaque jour qui passe en apporte la preuve.

La tentative de coup d’Etat de Christian Malanga, le dimanche de Pentecôte, a été la réponse désespérée du noyé qui s’accroche à un bois mort dans l’espoir insensé de survivre. Il n’aura permis que de donner la pleine mesure des éléments de l’indispensable nettoyage qui doit s’opérer au sein de la classe politique et dans l’appareil sécuritaire.

Il y a, enfin, la terrible enquête «Rwanda classified ». Plus de 50 journalistes pour la plupart appartenant à des pays qui n’ont jamais cessé de porter à bout de bras le président Kagame et son régime depuis le génocide de 1994 ont entrepris, piqués par on ne sait quelle mouche, de détricoter eux-mêmes le mythe qu’ils avaient bâti à coup de mensonges, de manipulations et de corruption.

Les mêmes qui avaient porté aux nues une légende douteuse découvrent brusquement, comme par hasard, que le leader rwandais est le principal déstabilisateur de la région des grands lacs ; qu’il est le commanditaire des assassinats de nombreux opposants et journalistes rwandais ; que son principal hobby consiste à menacer, intimider, organiser des assassinats et ou des tentatives d’assassinat contre tous ceux qui osent critiquer son régime.

Paul Kagame a senti souffler le vent du boulet et son fauteuil vaciller. Après avoir accusé le collectif « Forbidden Stories » de chercher à troubler les élections de juillet prochain dans son pays, sa dernière trouvaille en date consiste à estimer le chef de l’Etat congolais si puissant qu’il serait en mesure de commanditer une coalition de plus de 50 journalistes répartis dans plus de 11 pays pour fomenter cette enquête dans le but de favoriser le changement de régime dans son pays.

Mais c’est justement là le problème. Le président Kagame sent la dynamique changer de manière irréversible et ses principaux soutiens prendre leurs distances vis-à-vis d’un leader qui a perdu de sa superbe au sein de l’opinion internationale et que la communauté internationale conspue désormais sans retenue.

La diplomatie inlassable du président Félix Antoine Tshisekedi y est sans doute pour beaucoup dans ce changement de dynamique. Dans la plupart des capitales mondiales qui comptent, si les dirigeants trainent les pieds, les opinions quant à elles entendent clairement prendre des distances vis-à-vis d’un leader dont la réputation est bâtie sur la déstabilisation de ses voisins, les assassinats, les massacres, les viols et les pillages…

La RDC doit en prendre acte. L’effort pour Kinshasa doit consister à stabiliser les institutions après les dernières bourrasques à l’Assemblée nationale et au gouvernement. Le pays doit poursuivre la mise à niveau de son appareil sécuritaire, l’organisation et la montée en puissance de l’armée, la signature des partenariats solides avec des Nations dont l’hypocrisie n’est pas le principal élément de la coopération.

C’est de cette manière-là qu’on laissera la bête mourir de son propre venin.

Bienvenu Marie Bakumanya (CP)

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