Je prends le temps de répondre à mon excellent ami et frère Alain qui, le 1er mai dernier, a surgi en défense du camp « ambonguiste », présentant la posture du Cardinal comme d’un prélat se faisant le porte-voix des sans-voix qui seraient la masse des populations congolaises brimées et qui ne seraient pas d’accord avec la politique et les méthodes du régime congolais actuel. A en croire Alain, le Cardinal Ambongo ose dire tout haut ce que personne n’ose dire par peur de représailles. Il en veut pour preuve les injonctions et menaces du PGR Mvonde concernant l’issue de l’enquête sur la mort du regretté Cherubin Okende, lesquelles font peser l’épée de Damoclès pénale aux propagateurs de faux bruits.
Je me dois de réagir, car je décèle dans ce raisonnement un double danger extrêmement grave pour les intérêts VITAUX de l’Etat congolais. Le plus grand danger qui peut guetter un Etat n’est pas un quelconque danger en particulier, mais l’ignorance ou la faiblesse de la prise de conscience de ce danger par l’élite et la classe instruite de cet Etat. Un Etat, qui cristallise les aspirations d’un groupe humain au bonheur matériel et à la protection physique, est dirigé et contrôlé par un groupe d’hommes (et femmes). Mais en réalité, il est plus fragile qu’une vie humaine, en ce que ses intérêts VITAUX peuvent se retrouver menacés sans que ceux qui assurent sa préservation ne s’en rendent immédiatement compte. Car bien souvent la menace peut être contre-intuitive et implicite.
Je maintiens que les récents propos d’Ambongo sont très dangereux et menaçants pour les intérêts de l’Etat congolais. Le plus grand danger serait non seulement de ne pas en comprendre la gravité mais, pire encore, de chercher à les rationaliser comme vient de le faire – certainement de bonne foi – notre frère Alain. Je m’explique.
Alain agite la corde sensible en évoquant le dossier sur la « vérité judiciaire » à propos de la mort de Cherubin Okende, dont il semble que nous ne saurons probablement pas toute la « vérité-vérité » de sitôt, tant tout porte à croire que la RAISON D’ETAT est venue se greffer à cette affaire qui a légitimement bouleversé l’opinion nationale et au-delà. Un « suicidé officiel » qui est retrouvé criblé de balles à l’intérieur d’un véhicule dont la portière porte aussi des impacts de balles… Interdiction de rire. J’ai parlé expressément de RAISON D’ETAT, car c’est la seule explication qui tient quand on ne parvient pas à expliquer autrement le cafouillage judiciaire entourant une mort non élucidée, où la « version officielle » se trouve dépouillée de la simple logique et des considérations rationnelles les plus plausibles.
Par exemple, « la version officielle » retenue par la Commission Warren, est toujours actuellement en vigueur aux Etats-Unis, même si, en réalité, plus grand monde y croit : le Président John F. Kennedy fut assassiné par les tirs d’un seul tireur, Lee Harvey Oswald, qui a pu tirer avec un simple fusil carabine rechargeable (en 2,55 secondes), trois balles en six secondes, dont une seule a pu provoquer les blessures mortelles sur le Président Kennedy et d’autres blessures non mortelles sur le Gouverneur John Connally assis à côté du Président. La fameuse balle, après avoir traversé le cou du Président et ressorti pour frapper Connally à la poitrine, au poignet et à la cuisse, afin de revenir se loger, intacte, dans la tête du Président ! C’est la théorie dite de la « balle unique » ou de la « balle magique ». Interdiction de rire. On n’a pas besoin d’être un expert en balistique pour comprendre l’absurdité de cette théorie fumeuse ; et pourtant, c’est elle que retint finalement la Commission Warren sur l’assassinat de Kennedy, mais aussi la Commission des assassinats de la chambre des Représentants aux Etats-Unis en 1979 ! En réalité, personne n’est stupide ni dupe, car l’affaire sent l’odeur de la RAISON D’ETAT… La «vérité-vérité » n’étant pas destinée à être connue après au moins une ou deux générations, le temps que tous les protagonistes réels disparaissent tranquillement de la scène.
On pourrait ainsi multiplier des exemples à ne pas en finir, comme par exemple l’affaire du juge français François Renaud tué en 1975 ; celle de la mort « naturelle » du pape Jean-Paul 1er en 1978 ; celle du juge italien Falcone tué en 1992 ; ou encore celle l’ambassadeur français Philippe Bernard tué au Zaïre dans son bureau lors des deuxièmes pillages de janvier 1993…. Les meurtres non expliqués de manière satisfaisante par les autorités judiciaires opérant sous des considérations politiques s’amoncèlent partout au monde à l’intérieur du ‘coffre-fort’ bien gardé de la RAISON D’ETAT. Loin de moi de prétendre ou de laisser entendre que toute affaire judiciaire non élucidée, soit par bêtise ou soit par incompétence, trahit nécessairement la RAISON D’ETAT. Car, dans la pratique, ce sont des cas RARES, inexpliqués, où ce qui est à protéger dépasse la sphère d’une simple vie humaine, touchant les intérêts sensibles d’un Etat à côté desquels ceux d’un individu ou d’une famille peuvent être négligés.
Tout ça pour dire quoi ? Que nous devrions accepter la réalité que nous ne pouvons pas toujours tout savoir. Que des fois des intérêts sensibles de l’Etat amènent les Autorités à ne pas TOUT divulguer à la population. Que nous devrions, des fois, nous « contenter », du moins pendant un temps, de la version officielle sans être obligés d’y croire, bien évidemment. Le mensonge serait de faire croire aux Congolais et au monde entier que le dossier Okende ne serait, comme dans quasiment tous les pays du monde, non pas l’exception estampillée « RAISON D’ETAT », mais devenue la règle en RDC. Le mensonge serait de dire que la RDC est devenue cet Etat policier où tout le monde meurt de manière inexpliquée et où la justice incapable d’élucider les faits IMPOSE le silence à tout le monde.
La situation n’est pas aussi lugubre que certains voudraient nous la présenter, à moins de nourrir un agenda caché tout aussi lugubre ! Ce mensonge est d’autant plus DANGEREUX que le pays vit un tournant décisif, assez proche de ce qui s’était produit le 15 mars 1997 quand le vent avait définitivement tourné en faveur de l’agression déguisée en rébellion qu’était l’AFDL, lorsque, à la faveur de la prise de la ville de Kisangani par les rebelles, pour le peuple zaïrois, l’enjeu de la guerre avait cessé d’être celui de conjurer une agression militaire extérieure, pour devenir soudainement celui de se débarrasser d’une longue dictature oppressante grâce à l’action d’un « fils du pays », LD Kabila, même si ce dernier était militairement aidé par des étrangers. Voyez-vous comment avec quelle FACILITE une opinion publique peut changer d’avis !
Aujourd’hui, beaucoup de Congolais regrettent – avec raison – d’avoir accueilli et salué l’arrivée de l’AFDL, car la haine de Mobutu et le ras-le-bol d’avec son régime ne justifient pas de laisser la porte ouverte à des étrangers qui se cachent derrière quelques fils (égarés) du pays pour attaquer leur propre pays afin de réaliser leurs desseins funestes. Aujourd’hui, la RDC en paie le prix – au plus fort –avec des millions des morts à la clé ! On ne peut pas regretter cela, si on est vraiment sincère et cohérent avec soi-même, et EN MEME TEMPS estimer que les insuffisances du régime actuel en RDC, réelles ou supposées, justifient que des fils du pays aillent embrasser des agresseurs étrangers sur la bouche parce qu’ils doivent en découdre avec Felix Tshisekedi qu’ils détestent.
On ne peut pas EXCUSER la haute trahison, comme le Cardinal Ambongo l’a fait, peut-être sans s’en rendre, en estimant que les imperfections du régime Tshisekedi étaient de nature à fournir des raisons « valables » à ceux qui rejoignaient la rébellion de Nangaa et du M23. Je sais qu’Ambongo ne l’a pas dit exactement dans ces termes, mais en fond, une fois qu’on ait débarrassé son discours des circonlocutions et des prudences langagières d’usage, c’est ce que « le commun des mortels » retiendrait de son message ! C’est EXTREMEMENT grave. C’est oublier que l’opinion peut FACILEMENT BASCULER dans le sens favorable à l’ennemi et contre les intérêts VITAUX du pays, aussi facilement qu’un enfant qui boudait de se laver fonce dans la douche parce qu’on vient de lui promettre comme récompense une sucrerie qu’il adore…
Plus gravissime encore, c’est quand Ambongo, apparemment inconscient de la gravissime portée de ses propres déclarations (voilà pourquoi l’agence de presse du Vatican, Fides, à qui Ambongo avait accordé l’interview du 18 avril dernier, avait dû faire marche arrière en prétextant des erreurs de traduction de l’italien au français, lol), ne comprend pas qu’affirmer que l’armée congolaise SOUTIENT et arme les rebelles Hutu rwandais des FDLR, c’est en fait jouer la FAUSSE EQUIVALENCE sur laquelle le Rwanda compte pour flouer la communauté internationale ! Ambongo, certainement aveuglé par sa haine viscérale de Felix Tshisekedi, n’arrive pas à comprendre que la complicité de certains officiers supérieurs congolais avec les ennemis de Kagame n’est pas à confondre avec la POLITIQUE OFFICIELLE DE L’ETAT CONGOLAIS envers les FDLR. (Pendant la guerre du Vietnam, il est arrivé que des militaires collaborent avec la KIA, un groupe d’insurgés birmans luttant contre le gouvernement birman, sans que les États-Unis n’aient été officiellement impliqués dans le conflit birman. Même chose pendant la première guerre d’Indochine (1946-1954), des officiers français auraient soutenu secrètement les milices Hmong luttant contre le Pathet Lao communiste).
Un officier supérieur d’une armée peut, à titre individuel, collaborer avec des forces irrégulières sans que la CHAINE DE COMMANDEMENT OFFICIELLE ne soit du tout et en rien impliquée. C’est ce qui avait valu au général Gabriel Amisi, aussi élevé en rang du haut de ses quatre Etoiles, d’être suspendu de ses fonctions en raison de son rôle présumé dans les ventes d’armes à des groupes rebelles à l’est du pays en 2012. Ne pas vouloir ou refuser de comprendre que la collusion entre certaines brebis galeuses des FARDC avec les FDLR n’autorise pas à affirmer que les FARDC soutient les FDLR, c’est faire preuve d’impertinence, mais aussi d’INCONSCIENCE qu’agir ainsi c’est fournir des armes à l’ennemi ! C’est TRAHIR le pays ! Ambongo se comporte comme un petit enfant à qui on a fait tenir une grenade à la main et qui estime que c’est une bonne idée de l’utiliser pour jouer au football !
En somme, une très haute fonction (le cardinalat) mise sur les épaules d’une personne qui n’en a absolument pas la carrure ! Justement parce que trop occupé sur le court-termisme, à explorer la surface, Ambongo ne cerne pas l’habilité de la manœuvre stratégique du Rwanda qui voudrait que la communauté internationale mette malencontreusement la RDC et le Rwanda sur le même pied d’égalité, oubliant que nous avons ici d’une part un agressé et d’autre part un agresseur. La RDC n’a pas ses troupes armées sur le sol rwandais, mais le Rwanda a déployé par milliers ses troupes en RDC. Même si c’était vrai que les FARDC soutenaient les FDLR, ces derniers N’ATTAQUENT PAS le sol rwandais. Mais les M23 que le Rwanda soutient attaquent, tuent et pillent des populations congolaises. Comment peut-on, dans ces conditions, promouvoir de la FAUSSE EQUIVALENCE (la RDC soutient les FDLR, le Rwanda soutient le M23, donc tout s’équilibre) ?En affirmant (faussement) que les FARDC collaborent avec les FDLR, Ambongo apporte du « pain béni » sur l’autel manipulateur de Kigali. C’est extrêmement dangereux.
En déclarant que Kinshasa a posé des actions qui ont légitimement poussé ceux qui ne se sont pas retrouvés dans le « partage du gâteau » après les élections à se jeter dans les bras de la rébellion de Nangaa, Ambongo a fragilisé le front intérieur. Le Seigneur Jésus-Christ avait fait remarquer que « Tout royaume divisé contre lui-même va à sa ruine » (Matthieu 12 :25).En contribuant à la division de la nation congolaise, et non pas à son unité, Ambongo travaille, peut-être (une fois, je lui accorde le bénéfice du doute), pour la ruine de la nation RD Congo.C’est grave, et il DOIT être dénoncé.
J’ai dit.
Lepapa (analyte anonyme des questions de conflits internationaux)
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