Guerre en Ukraine : Macron pousse l’Occident à attaquer la Russie

Les propos d’Emmanuel Macron tenus lors de son intervention télévisée de la semaine passée sont des propos d’un enfantillage tel qu’on en a quasiment jamais constaté de la bouche d’un Chef d’État d’un grand pays comme la France. Depuis le déclenchement de l’opération militaire spéciale russe en Ukraine ou bien de l’invasion de l’Ukraine par la Russie – ça dépend dans quel angle d’analyse on se situe – les Occidentaux se sont illustrés dans une lecture partielle et partisane des événements, s’interdisant sciemment toute compréhension alternative, par pure souci d’objectivité, de la situation, et ravalant toute lecture alternative à la « propagande russe », au « trollisme poutinolâtre ». Et Macron n’a pas fait exception à cette « doxa ». S’il ne s’agissait pas d’une question touchant à la vie et la mort d’êtres humains, et potentiellement à l’avenir de l’humanité, on en rirait. Mais hélas, nous y voici, en plein dedans !

Macron déclare que lui et la France ne peuvent pas se permettre des « lignes rouges » face à Poutine, car ce dernier « n’en a pas« . Il ajoute, dans un accès de fausse contrition, : « Nous avons mis trop de limites, nous ne sommes pas en guerre contre la Russie, mais nous ne devons pas laisser la Russie gagner« . Macron pousse le ridicule aux confins de la déraison quand il se permet de tromper sciemment ses compatriotes en leur disant ceci : « Si nous choisissons d’être faibles face à quelqu’un qui n’a pas de limites, qui a franchi toutes les limites qu’il nous a données, nous en paierons le prix« .

On croirait entendre un petit enfant dans la cour de récréation d’une école maternelle, pour qui il est question de « ne pas laisser gagner l’autre » pour ne pas apparaître « faible« , alors qu’il s’agit ici d’une matière grave et sérieuse pouvant potentiellement aboutir, si on n’y prend pas garde, au déclenchement de la Troisième Guerre mondiale, celle qui sifflera l’extinction de la race humaine sur la terre sous les nuages d’un apocalypse nucléaire. Dans ce genre d’affaire, il n’est pas question de gagner ou de perdre, car tout le monde y perdrait ! S’il y a quelque chose à gagner, ça doit bien être la paix, au-delà de la préservation des petits egos des dirigeants. Tout au fond dans son manque de lucidité, Macron devrait au moins se demander pourquoi pendant une quarantaine d’années, la Guerre Froide entre les deux superpuissances américaine et soviétique n’est jamais devenue « chaude« ; parce que tout simplement, si cela arrivait, ça serait la destruction mutuelle assurée. Voilà pourquoi tout le calcul géostratégique de l’époque, dans cette ère particulière où l’humanité a construit des armes capables de la détruite, a consisté à s’éviter soigneusement, à écarter toute possibilité de confrontation, fût-elle conventionnelle, entre superpuissances et puissances nucléaires, au profit des guerres par procuration ou guerres indirectes, tout en contrôlant la montée de l’escalade avec une bonne dose de bon sens assorti de la prudence diplomatique et du dialogue au sommet.

Imaginez un seul instant si, lors de la crise des missiles de Cuba en octobre 1962, Kroutchev avait adopté la logique de ne pas « perdre » face à l’Amérique ou de « ne pas laisser Kennedy gagner« , il n’aurait jamais ordonné aux navires soviétiques de faire demi-tour à l’approche de la ligne de quarantaine que Kennedy avait imposée autour de Cuba. Si les deux marines américaine et soviétique s’étaient affrontées dans les eaux du Pacifique, le monde n’aurait pas été pacifique : c’était l’escalade nucléaire assurée, avec tout ce qui va avec comme conséquences. Du côté américain, imaginons un seul instant Kennedy décider de venger, comme le demandait son état-major militaire, la mort du pilote américain du U-2 abattu au-dessus de Cuba en bombardant, en représailles, les sites de lancement des missiles soviétiques Sam installés à Cuba, est-ce que les commandants soviétiques n’auraient pas tiré leurs armes nucléaires dans une logique de « utiliser ou perdre » ? Bien sûr que si, et toute l’humanité aurait été perdante !

On le voit pas, devant certaines questions d’une particulière gravité, un dirigeant sérieux et lucide ne peut pas raisonner en termes de gagner ou de perdre, au sens de ne pas laisser gagner l’autre pour ne pas perdre la face ! La maturité impose que, comme l’ont fait Kennedy et Kroutchev, l’on comprenne que, face à la perspective d’une destruction mutuelle assurée avec en prime la disparition de l’humanité toute entière, la victoire de l’autre est également la sienne parce que c’est la paix qui a gagné et prédominé sur le chauvinisme et l’orgueil national le plus répugnant.

Il sera d’ailleurs bon de rappeler que la décision ferme mais sage de Kennedy a été contestée par les faucons et les va-t-en-guerre dont le notoirement belliqueux général Curtis LeMay. Kroutchev aussi de son côté fit les frais de ceux qui l’ont accusé de s’être montré « faible » face à Kennedy, au point que peu après, cela lui a coûté la perte de son poste de Premier Secrétaire du Parti communiste de l’URSS. Mais qu’importe ! Le politicien pense à la prochaine élection, l’homme d’État à la prochaine génération…

Macron, lui, et sans surprise, décide de faire le choix opposé. Non seulement il n’a de cesse de se contredire dans son attitude, dans l’approche qu’il préconisait face à Poutine, il est confronté au fait que rien de ce qu’il préconisait ou assurait aux Français concernant la Russie ne s’est réalisé. Les sanctions massives et sans précédent contre la Russie ont été un échec, n’ayant pas permis de faire plier la Russie, ni économiquement ni militairement, encore moins à l’isoler. La contre-offensive ukrainienne de l’été dernier annoncée tambours battants durant des mois a lamentablement échoué, en dépit du soutien militaire et financier massif des Occidentaux aux troupes ukrainiennes entraînées au standard de l’OTAN et de la présence sur terrain des « conseillers » militaires français et autres. L’envoi et la livraison de plus en plus d’armements sophistiqués à l’Ukraine ne réussit pas à stopper la lente mais méthodique avancée de l’armée russe dont on disait être mal commandée et incompétente, à court de munitions et de missiles. Bientôt cacher l’échec de la guerre par procuration que mène l’OTAN à la Russie, avec du sang ukrainien, sera semblable à chercher à cacher le soleil avec ses doigts.

Face à l’échec qui se dessine, la réaction humaine peut être soit raisonnable, humble (c’est-à-dire prendre acte de l’échec, réevaluer ses hypothèses de départ, et aller dans la direction opposée, en l’occurrence chercher à sauver ce qui le peut), soit stupide, arrogante (c’est-à-dire on considère qu’on n’en a pas fait assez et on persiste dans la même voie, quitte à aller dans l’escalade). Macron s’est comporté en Macron en optant pour la deuxième voie. En fait, c’est plus pour des raisons électoralistes liées aux prochaines échéances européennes que Macron recherche désespérément à porter le manteau de chef de guerre, persuadé qu’il se transformera en « anti-balles » contre toute critique de l’échec de sa politique désastreuse. Il ne se pose pas la question de savoir si la France, dont l’armée est bien moins aguerrie que l’armée ukrainienne formée pendant huit ans par l’OTAN, a les moyens d’affronter, seule, la Russie et ne se contentera pas d’agiter son arsenal nucléaire, bien faible en quantité et qualité face à son pendant russe, comme un épouvantail. Qu’est-ce qui peut autoriser une personne saine d’esprit à croire que là où l’Occident collectif reuni a échoué à faire plier militairement la Russie, par l’Ukraine interposée, et à lui infliger une « défaite stratégique« , que la France seule y parviendrait juste parce qu’elle est la seule puissance nucléaire de l’Union européenne ? Heureusement que les Américains, maîtres du pragmatisme, et les Allemands ne sont pas prêts – du moins par pour le moment – de suivre Macron dans un tel délire narcissique.

Plus grave, Macron se permet même de se prévaloir de ses propres turpitudes en disant, toute honte bue : « Depuis deux ans, nous avons systématiquement fait ce que nous avons dit que nous n’allions pas faire« . Il faisait ainsi allusion à l’envoi des chars (Leclerc, Abrams et Léopard 2), des missiles à longue portée pouvant frapper le territoire russe, et bientôt des F-16. Mais aussi, il oublie que la même personne (lui-même) qui disait hier qu »‘il ne faut pas humilier la Russie » est celle qui se permet aujourd’hui de déclarer aux Français : « La Russie ne peut et ne doit gagner cette guerre« . Soit, passons, c’est du macronisme à l’état brut…

Si les Occidentaux en général n’ont cessé de claudiquer sur leur niveau d’implication dans la guerre en Ukraine, c’est principalement une expression de la panique face à la déroute militaire de l’Ukraine et la peur des conséquences politiques et stratégiques de cet échec, mais également face au constat de l’écart entre leur propagande officielle et la réalité du terrain militaire. Aujourd’hui, la « nudité » de l’Occident, qui s’est largement désarmé et auto-dépouillé de sa base industrielle par une mondialisation incontrôlée et livrée à l’avidité de l’oligarchie mondialiste, est exposée devant le monde entier et est vécue par les élites politiques et les couches populaires de l’Occident collectif comme un choc et un traumatisme.

Du coup, comme fuite en avant, Macron n’a pas trouvé mieux que de s’inventer une nouvelle « menace existentielle » venant de Poutine qui, d’après lui et plusieurs dirigeants occidentaux, envisagerait de croquer davantage des territoires en Europe, au point de ne laisser à la France d’autre choix que de voler militairement au secours de l’Ukraine, y compris par l’envoi des troupes au sol.

Il est totalement absurde de laisser entendre ou faire croire que la Russie cherche à conquérir toute l’Europe, à attaquer tous les pays de l’OTAN. Cela n’obéit à aucun impératif idéologique et stratégique de la Russie, et n’a jamais été codifié doctrinalement pas les autorités russes, en sus d’aller à l’encontre de la propagande occidentale elle-même. Il est en effet saugrenu de déclarer, d’une part, que Poutine a déjà perdu la guerre car « incapable de conquérir toute l’Ukraine » depuis deux ans, et de clamer que l’Europe doit se mobiliser contre la Russie car si celle-ci battait l’Ukraine elle allait s’attaquer à toute l’Europe !

Un mensonge en appelle toujours un autre. Les Occidentaux s’étaient amusés, à des fins de propagande, à tordre le cou aux objectifs de guerre de la Russie, pourtant annoncés très clairement par Poutine, à savoir la dénazification et la démilitarisation de l’Ukraine, au vu du conflit quasi oublié dans le Donbass depuis 8 ans et qui faisait peser une menace mortelle sur les populations russiphones y vivant. Ce n’était pas autre chose, du genre conquérir d’autres territoires européens ou de s’emparer de leurs richesses, car la Russie n’est en manque ni de territoire ni de richesse. Au contraire, en desamorçant la menace stratégique que faisait peser contre la Russie la vassalisation de l’Ukraine par l’OTAN, la Russie cherchait en fait à pousser l’Ukraine à opter pour la neutralité afin que le territoire ukrainien serve d’espace tampon entre la Russie et les pays de l’OTAN.

La meilleure preuve que Macron et ses pairs occidentaux sont en train de mentir, afin de masquer leur échec, en prêtant à Poutine des intentions expansionnistes au-delà de l’Ukraine est fournie par le fait que la Russie et l’Ukraine ont su très vite trouver un accord de règlement de conflit, accord initialisé par les deux chefs de délégation respectifs (en négociations diplomatiques, l’initialisation d’un projet d’accord marque son acceptation FORMELLE par les parties en négociation avant la signature finale) qui aurait pu très bien être signé et marqué la fin des hostilités n’eût été l’intervention de Boris Johnson venu convaincre Zelensky de se retirer des discussions et de continuer la guerre. Ce seul développement signale que l’objectif de Poutine en envahissant l’Ukraine était de forcer des négociations avec l’Ukraine pour définir une nouvelle architecture de sécurité acceptable par tous et susceptible de préserver les intérêts sécuritaires et stratégiques des deux États.

Ayant menti à leur opinion publique que le but de Poutine était de reconstituer l’empire soviétique, les Occidentaux ont été, face à l’échec de leur stratégie, forcés de croire leur propre mensonge en déclarant qu’après l’Ukraine, Poutine va s’attaquer à toute l’Europe.

En définitive, en observant les agissements particulièrement d’Emmanuel Macron, l’on se dit qu’on est en réalité en présence de l’archétype d’une personne immature et indécise, d’un adulte qui en fait n’a jamais grandi. Je vais illustrer cela par l’exemple d’une jeune fille courtisée par un monsieur et qui s’est jurée de ne jamais coucher avec lui. Malgré cela, elle se décide de se retrouver seule dans une pièce avec le gars. Elle accepte d’elle seule mais se jure de ne pas se laisser caresser. Puis elle se laisser caresser, mais se jure qu’elle ne permettra pas au gars de lui toucher les organes intimes. Puis elle se laisse faire, me se dit qu’elle n’acceptera jamais le coït. Puis finalement elle se laisse aller, mais se jure qu’elle n’acceptera pas que l’homme jouisse dedans. Puis, après l’acte, la fille se console qu’il n’y aura pas une prochaine fois. Puis, une fois la fille couche encore avec la même personne, mais se jure qu’elle ne tombera jamais enceinte du monsieur. Puis elle tombe enceinte mais se jure que l’enfant ne verra jamais le jour. Finalement, un bon jour à la maternité, après avoir accouché, cette fille dira exactement la même chose que Macron: Nous avons fait toutes les choses que nous disions que nous n’allions pas faire…. Comble de l’irresponsabilité et de l’enfantillage !

Raoul Lepapa, analyste de l’actualité internationale

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