C’est une question banale en apparence, mais savoir qui a été le premier musicien de Zaïko Langa Langa suscite de terribles polémiques jusqu’à ce jour, comme s’il y avait un trophée à gagner pour cela. Il y a de quoi : ce groupe musical demeure, dans l’histoire de la musique congolaise, l’orchestre qui détient le record de longévité dans le succès. Normal que chacun essaie de revendiquer sa paternité.
D’entrée de jeu, disons que tous ceux qui sont passés par cet orchestre, de pères fondateurs aux jeunes Mokongo-ya-nkobistes actuels, ont tous contribué au maintien et à la notoriété de ce qui est, sans conteste, le plus grand orchestre congolais de tous les temps, aux côtés du bien nommé Tout Puissant OK Jazz de Franco Lokanga Landju Pene Luambo.
Alors, de Nyoka Longo et Manwaku, qui a été le premier musicien de Zaïko Langa Langa ? L’un a le mérite d’avoir bien gardé la maison Zaïko et de perpétuer son œuvre jusqu’aujourd’hui, alors que l’autre a le mérite d’avoir créer et imprimer la rythmique Zaïko, toujours en vogue à ce jour jusque dans la génération Wenge.
De mes recherches et entretiens avec nombre de personnes concernées (Papa Wemba, Manwaku), je peux essayer de retracer l’historique de ce groupe mythique.
Vers la fin de la décennie 60, des jeunes branchés de la commune de Dendal (Kasa-Vubu actuel), créent un orchestre dénommé « Bel Guide ». Ce groupe était présidé par Henri Mongombe et son Vice-président était Moanda di Vita (dit M. Moanda DV), alors que Teddy Sukami Nlandu en était le Secrétaire administratif. Bel Guide comptait parmi ses chanteurs un certain Joseph Roger Nyoka Longo Nvula, alias Jersy Jossart. Ce dernier, habitant la lointaine commune de Ndjili, quartier 13, n’est pas assidu aux répétitions. En vue de remplacer un autre guitariste parti du nom de Tshimpaka Kabeya Roxy, Bel Guide voit l’entrée d’un jeune guitariste de talent nommé Pedro Felix Manwaku Waku. Celui-ci affirme que depuis son entrée jusqu’à a la dissolution du groupe, il n’a jamais vu l’ombre de Nyoka Longo. Ça se complique déjà … Il reste que l’orchestre ne décolle pas. Manwaku est toujours présent, mais il manque un leader à l’attaque-chant.
Le 23 décembre 1969, un jeune de l’avenue Kanda-Kanda nommé Jules Pene Kikumba Shungu Wembadio, accompagne ses deux amis venus d’Europe, Baudouin et Chrisot Mitcho, deux cousins de Henry Mongombe, chez leur tante paternelle au numéro 10 de la rue Popokabaka. Ils y trouvent « Bel Guide » en séance de répétition, et Jules leur demande s’il pouvait interpréter avec eux «Adios Tété » du Seigneur Rochereau. Son interprétation de cette chanson marqua tous les membres du Comité.
Le même soir, DV Moanda s’en vint voir Jules pour le convaincre de venir le lendemain soir pour participer à un nouvel orchestre. Le contact fut d’autant facile que DV Moanda avait été un des encadreurs du jeune Jules dans les « Xaveries », un mouvement du scoutisme.
De l’autre côté, le comité de Bel Guide avait convoqué une réunion générale de tous les sociétaires de l’orchestre, au cours de laquelle ils annoncèrent la dissolution de Bel Guide et le renvoi de tous les musiciens, sauf Manwaku.
Ainsi, quand Wemba arriva, il ne trouva que Pépé Manwaku, et la première répétition a lieu au numéro A9 de l’avenue Luozi le 24 décembre 1969, date de création de Zaïko Langa Langa, avec Manwaku à la guitare d’accompagnement et Wemba au chant. Il faut ajouter que ce dernier avait été entraineur physique de l’équipe Juventus des jeunes de Renquin (Matonge), qui deviendra FC Vijana plus tard, et était de ce fait le coach d’un certain Encok Zamwangana. Ce dernier passant, en culotte, sur l’avenue Luozi et attiré par le son de la guitare, s’en vint rejoindre le groupe. Sa relation avec Jules facilita son intégration. Zamwangana prit la guitare d’accompagnement, et Manwaku passa à la guitare solo. La première répétition de Zaïko Langa Langa eu ainsi lieu avec les trois.
Le nouvel orchestre est dirigé par un collège de quatre amis : Henri Mongombe, André Bita, Marcelin Delo et Mwanda Di Vita. C’est ce dernier qui en sera le président. Le groupe sera nommé, ce 24 décembre 1969, « Zaïko Langa-Langa ». Le nom Zaïko fut proposé par Moanda DV, en référence à un ancien orchestre d’étudiants congolais de Belgique (Liège), mais qui s’écrivait Zaïco. Jules Wemba ajouta « Langa langa », du nom d’une herbe médicinale que sa mère avait coutume d’aller cueillir au bord du fleuve.
Par la suite, Teddy Sukami quitta l’administration pour rejoindre l’orchestre en tant que guitariste. Plus tard, un des fondateurs, Delo Marcellin, insista pour qu’on intègre Nyoka Longo dans le nouveau groupe, et c’est lui qui parti le chercher à Ndjili pour rejoindre le groupe en 5ème position. Mais Jossart explique qu’il est le premier musicien de Zaïko puisqu’ayant été dans Bel Guide avant Manwaku …
Le comité directeur nomma Jules Wemba chef d’orchestre, avec comme chef d’orchestre adjoint Manwaku. Après le départ de Wemba et ses amis pour créer Isifi Lokole en 1975, c’est Manwaku qui fut nommé par DV Moanda en qualité de « chef d’orchestre à vie », avec comme adjoint Jossart Nyoka. Et les problèmes purent commencer …
Il me semble clair que Manwaku est bel et bien le premier musicien de Zaïko Langa Langa. Mais tout bien considéré, Zaïko reste l’héritage commun de tous ceux qui ont contribué à sa grandeur, et qui ont rejoint l’équipe à tour de rôle : les André Bimi Ombale, Jean Pierre Lonyama Isekofeta dit Gina Efonge, Antoine Evoloko dit Anto Nickel, Nzolantima Yaya Mbuta Mashakado, Matima Mpioso Kinwani alias Ya Titiche, Belobi ng’ Kerme alias Meridjo, Muaka alias Oncle Bapuis, Isamaze Bakunde Ilo alias Pablo, Mbenzu Ngambomi dit Bozi Boziana, Claude Nsumbu Makola dit Lengi Lenga, Likinga Mangenza dit Redo, Shekdan (le compositeur de Pa-Oki), Avedila Nkiambi alias petit Poisson, Jean-Pierre Buse dit JP-BUSE, Zangilu Makiadi alias Popolipo, Théo Dindo Yogo, Adamo Ekula, petit Aziza zina za, Adoula Monga alias Doudou etc…
Mais Zaïko Langa Langa demeure notre patrimoine commun à nous tous qui l’avons aimé et continuons de l’aimer à ce jour. Alors ? Alors, tous sur la piste avec la nouvelle animation « Selfie »
Belhar Mbuyi/Journaliste
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